de la conception
à la maternité

Née à 28sa, considérée comme grand prématuré

Aujourd’hui, je vous ouvre mon coeur. Il s’agit de l’épisode le plus important de ma vie, qui a changé ma façon de voir le monde. Ce 1er décembre 2011 à 00:46, où je mettais au monde mon premier enfant, né grand prématuré à 28sa, pour un poids plume de 875gr et 36cm.

Pourtant, j’ai eu un début de grossesse idyllique, sans aucun mal. Mais lors d’un contrôle de routine le 7 novembre 2011, l’assistante de ma gynécologue constate une tension anormalement élevée… L’échographie révèle alors que ma fille présente un retard de croissance et que les échanges entre elle et moi se font difficilement. Pour ne pas prendre de risque, elle m’envoie à Berne, dans un hôpital universitaire pour vérifier avec des machines de pointe qu’on ne passe pas à côté de quelque chose. Le verdict tombe quelques heures plus tard: je souffre d’une pré-éclampsie (ou toxémie gravidique) qui doit être maitrisée au plus vite, au risque de devoir donner naissance à notre fille alors que je n’en suis qu’à ma 25ème semaine de grossesse.

A cet instant, j’ai du mal à réaliser ce qui m’arrive surtout que je me sens très bien. Aucune douleur, rien d’alarmant, ni annonçant ce qui était en train de se passer. Sur ordre du médecin, je me rends immédiatement dans la clinique principale, destinée aux futures mamans, pour une durée indéterminée.

J’aurai finalement tenu trois semaines à l’hôpital, au côté de mon mari qui a passé chacune de ses nuits avec moi, sur un lit d’appoint. Le 30 novembre, la décision est prise: une césarienne est programmée pour le lendemain matin à 8h, car mon corps est à bout de force. La césarienne a été effectuée sous narcose complète et à 00h46, notre bébé poussait son premier cri. Du haut de ses 36cm pour 875gr, elle est considéré comme grand prématuré car née à 28sa. Je n’ai pas assisté à sa naissance étant donné que j’étais sous narcose. Mon mari qui attendait dans le couloir a rejoint l’équipe de médecins et a assisté à l’emballage de notre petite dans une “couverture” en plastique lui permettant de maintenir un maximum de chaleur. Sinon, elle a respiré seule dès sa sortie, une warrior !

Je dois avouer que j’avais du mal à réaliser. Je me souviens encore de cet instant où ma fille était devant moi dans sa couveuse et moi j’avais encore la sensation de la sentir bouger dans mon ventre. Je me souviens aussi n’avoir ressenti aucune émotion. Ni tristesse, ni colère, ni bonheur. Rien. J’ai passé les deux premiers jours après sa naissance sur une autre planète, sans réaliser ce qui se passait. J’étais devenue une machine, une machine à lait. L’estomac d’un prématuré est très délicat et de ce fait, le lait maternel est très important pour faciliter la digestion. Qui plus est, le lait maternel est rempli d’anticorps et notre fille n’ayant pas eu le temps de développer les siens, il était très important que je puisse l’aider autant que possible. J’ai donc commencé à tirer mon lait, toutes les quatre heures pour stimuler la lactation. Chaque nuit, alors que ma fille était en néonatalogie et que j’entendais les pleurs des autres bébés dans les chambres d’à côté, moi, j’avais rendez-vous avec la Rolls des tire-lait: double pompage automatique. Il fonctionnait d’ailleurs si bien qu’une semaine plus tard, j’avais de quoi nourrir toute la néonat!

Trois jours après avoir mis notre fille au monde, j’ai croisé une maman en néonat, ce qui n’arrivait pas souvent car le temps par bébé prématuré est compté. Etant petits et fragiles, les premiers jours nous n’avons droit qu’à une petite heure pour profiter d’eux. Nous avons pu échanger quelques mots et c’est cette maman qui a prononcé la phrase qui aura été mon déclic. Elle aussi avait encore cette sensation étrange de sentir son bébé bouger, alors que cela faisait quelques jours qu’il était né… Je n’étais donc pas folle et surtout, je n’étais pas seule. A partir de là, j’étais officiellement maman et mon rôle de louve pouvait commencer.

Notre bébé a passé 8 semaines en néonatalogie. Deux semaines à 40 minutes de chez moi, dans un hôpital spécialisé pour grands prématurés et le reste à Neuchâtel. Dès son transfert proche de chez nous, j’ai passé toutes mes journées à l’hôpital, de 8h à 18h00. Je m’occupais des premiers soins du matin. Chaque jour, j’apportais du lait, qui lui était administré par sonde, puis je passais des heures en peau à peau, appelé également méthode kangourou. Pendant ces moments, où ma fille était posée à même mon corps, je me sentais entière. Je lui ai lu un nombre incalculable de livres et chantonné toutes les comptines que je connaissais. Quand ma fille était sur moi, sa respiration et sa chaleur corporelle se calquaient sur les miennes, comme si nous ne faisions qu’une. Mon mari qui travaillait juste en face nous rejoignait pour la pause de midi et le soir. Contrairement à moi, il n’a fait que deux peau à peau. Je n’arrivais pas à accepter qu’il porte notre fille, alors que normalement elle devait encore être dans mon ventre. Aujourd’hui, je me rends compte que c’était une réaction idiote, mais sur le moment c’était beaucoup trop dur à accepter. Heureusement qu’il est très compréhensible et qu’il a toujours respecté mes émotions, j’ai une chance folle.

Pendant ces six semaines, nous sommes passés par toutes sortes de phases. Par chance, notre fille a eu une évolution plutôt positive dans l’ensemble, et n’a pas eu de grosses complications. Et le 1er février 2012, soit 18 jours avant le terme officiel, notre bébé et ses 2kg, a reçu son autorisation de sortie. Une deuxième naissance! J’ai pu passer ma première nuit à son côté à l’hôpital. C’était magique, je m’y vois encore. Je n’arrêtais pas de la câliner, de la regarder, de la prendre dans mes bras. Enfin, il n’y avait personne pour me dire comment faire, ni câbles ou autres bips aiguës entre elle et moi. Nous étions enfin seules.

Le retour à la maison s’est passé dans une euphorie totale. Notre petit warrior était très éveillé! Elle passait pratiquement ses nuits, car elle avait déjà pris un rythme à l’hôpital. Oui alors non, ça n’a pas duré. Notre bébé nous a offert des milliers de nuits pourries ensuite, à se réveiller quatre fois par nuit. A six ans, elle est passée maître du “j’débarque dans ton lit sans prévenir et sans que tu t’en aperçoives”. Sinon, comme recommandations, nous devions quand même faire attention aux maladies. En février, c’est le pic de grippes… Et notre fille ne devait absolument pas tomber malade. J’étais donc interdite de centres commerciaux (c’est d’ailleurs là que j’ai réellement découvert la magie d’internet et que mon facteur est devenu mon meilleur pote) et nous devions également fuir les gens malades. Surtout les bords du lac, remplis de grands-mamans fan de bébés (véridique, le pédiatre nous l’a interdit). Elles sont coriaces les grands-mamans! Parce que même si ton bébé est bien calé dans ton écharpe de portage, elles arrivent quand même à y glisser leurs longs doigts. Mis à part ça, tout allait bien. Notre fille a subi beaucoup de contrôles sur la motricité, des scanners du cerveau, des tests de la vue, de l’ouïe, pour suivre son évolution de très près. Nous l’avons également énormément stimulée pendant sa première année. Pour ma part, je l’ai allaitée durant 18 mois et faisais très attention à préparer des compotes maison, avec des produits bio de la région. Pour quelqu’un qui ne cuisine pas (c’est mieux pour tout le monde), j’aurais traversé le globe sur les genoux pour une courgette bio s’il le fallait! J’ai aussi appris énormément sur les produits à lui donner et surtout à éviter! Pas de lingettes imbibées, mais des cotons trempés dans de l’eau tempérée. Je suis devenue incollable sur les composants interdits. Une vraie pro.

J’ai aussi eu énormément de peine à la laisser… La reprise du travail a été un véritable déchirement. J’avais l’impression de l’abandonner une fois de plus. Donc je vous laisse imaginer à quel âge elle a passé sa première nuit ailleurs que chez nous ! J’ai finalement pris la décision de me faire aider, parce que je ne pouvais pas la garder enchaînée toute sa vie et lui transmettre mes angoisses. Par chance, mon mari est un homme merveilleux, qui s’est adapté à toutes ces nouvelles situations. S’il n’avait pas été si compréhensible, je ne sais pas comment nous aurions traversé tout cela. Aujourd’hui, cette épreuve nous a véritablement rapprochés. Nous sommes prêts à tout vivre ensemble.

Si je devais transmettre deux mots aux parents qui vivent la même situation ce serait espoir et confiance. Car même si ce n’est pas toujours évident, rester optimiste et faire confiance à la vie peuvent constituer une véritable force supplémentaire qu’on offre à son bébé. Il ressent beaucoup de choses à l’extérieur mais aussi à l’intérieur du ventre de sa maman et sentira votre force et puisera votre courage. N’hésitez pas à parler avec lui, à lui dire que vous êtes là, avec lui et que vous le protègerez du mieux possible. Et n’ayez pas peur de lui expliquer ce qui l’attend, que ce ne sera pas facile et qu’il devra se battre pour vivre. Enfin, essayez d’être présents autant que vous le pouvez. C’est sûr que pour celles et ceux qui ont déjà des enfants, le temps passé en néonat est plus restreint… Mais les heures passées à son côté permettront de le rassurer. Je n’ai pas la science infuse et ce ne sont que mes conseils en temps que maman qui ai vécu ces moments douloureux. Mais j’ai eu le temps d’énormément me renseigner et j’ai appris que dans certaines régions d’Afrique par exemple, un enfant prématuré dont les parents n’avaient pas les moyens de payer les frais médicaux mais qui portaient leur bébé en écharpe (kangourou) avaient des taux de survie nettement supérieurs aux bébés orphelins, qui finissaient leur développement en couveuse mais sans la présence d’un parent…

De notre côté, malgré l’envie de fonder une famille nombreuse, nous avons pris la décision de ne pas avoir de deuxième enfant. Dans mon cas, les risques de revivre une naissance prématurée sont élevés et nous sommes déjà extrêmement reconnaissants d’avoir une fille en parfaite santé, sans aucune séquelle, qui se développe merveilleusement bien. Ce serait égoïste de notre part de tenter. J’ai par contre beaucoup de respect et d’admiration pour les parents qui se sont relancés dans la parentalité après une telle expérience. Mais moi, je ne pourrais pas revivre ça. Beaucoup me demandent aujourd’hui comment nous avons fait pour tenir et à quel point ça a été dur. Je réponds toujours la même chose: sur l’instant, on avance, jour après jour. On garde espoir. Mon bébé avait déjà assez à faire sans devoir en plus avoir une maman qui pleure sans arrêt à ses côtés et si vraiment c’était trop dur, je profitais des moments à la maison pour laisser sortir ma peine. Par contre, j’ai eu le contrecoup une année après. J’en voulais aux femmes enceintes, surtout les femmes qui fumaient. Je trouvais cela injuste. Moi qui avais fait tellement attention pendant ma grossesse et avais été amputée de trois mois privilégiés avec ma fille. Je ne pouvais plus toucher ni regarder un ventre rond, c’était trop douloureux. Avec le temps et de l’aide, j’ai fini par passer au-dessus. J’ai même pour la première fois pu toucher le ventre rond de ma meilleure amie, presque six ans après tout de même… Et j’ai parfois encore des coups de blues, surtout aux mois d’octobre/novembre, quand le temps change et me rappelle ce que ma fille a traversé. J’ai aussi appris avec le temps que j’avais le droit d’être triste et de regretter cette fin de grossesse. Parce que oui, j’ai adoré être enceinte, avoir ce lien unique avec son enfant. Et je ne dois pas culpabiliser d’avoir des sentiments d’envie ou de tristesse, bien au contraire. Il faut laisser sortir ses émotions. Et puis, il y a aussi le positif! Je n’ai pas eu de contractions, ni vergetures ou autres bobos de grossesse, car mon ventre n’était pas assez gros. Mais surtout, je suis si fière, si reconnaissante d’avoir une fille si merveilleuse, qui évolue si bien. Elle apprend vite, a rattrapé son retard de croissance en même pas deux ans. Cette petite fille ira très loin, j’en suis sûre (bien sûr que je suis objective!), malgré un poids inférieur à un kilo de sucre, elle nous a prouvé qu’elle savait ce qu’elle voulait et que peu importe ce que la vie allait semer comme embûches sur son chemin, elle passerait ces étapes les unes après les autres, toujours accompagnée de ses parents, mais pas trop près, promis.

Si aujourd’hui j’ai pris la décision de m’exposer davantage en vous parlant de cette histoire qui sort de mes articles habituels, c’est parce que depuis quelques mois, j’ai beaucoup échangé avec des mamans qui ont vécu des situations plus ou moins similaires. En discutant, on réalise à quel point cela fait du bien de pouvoir se confier auprès de femmes qui traversent ou ont traversé les mêmes épreuves. Ces difficultés à devoir laisser son enfant dans les bras de quelqu’un d’autre que dans les nôtres, ce besoin d’être en permanence à ses côtés, malgré la fatigue, en se privant de le laisser dormir ailleurs, alors que l’on rêve d’une nuit sans interruption, cette tristesse et cette frustration envers notre corps qui nous a “trahie”… Et puis cette joie que tous nouveaux parents ressentent lors de l’arrivée de ce bébé tellement attendu, et bien nous, nous n’y avons pas eu droit. Ce moment que tout le monde décrit comme magique, nous l’aurons vécu avec craintes et appréhensions.

Tout ça, j’aurais souhaité en parler et sentir que je n’étais pas seule. Car même si ma famille a toujours été d’un soutien infaillible, ce n’est pas pareil. N’hésitez pas à vous faire aider. Moi j’ai reçu beaucoup de soutien de la part de ma sage-femme à domicile, à qui je pouvais tout dire et qui était toujours de bon conseil. J’ai également beaucoup navigué sur internet, pour rechercher des avis positifs et des histoires ressemblantes à la mienne. Et laissez faire le temps, car même si c’est bateau, je vous jure qu’il permet d’atténuer ces moments difficiles. Aujourd’hui, dur à croire que ma fille, que nous sommes passés par tout cela. Tout me parait tellement loin! Comme parallèle à notre vie. On m’a souvent demandé si le lien avec ma fille serait différent si elle était née à terme. Je ne peux absolument pas répondre à cette question. Peut-être, oui. Peut-être que j’aurais été moins possessive. Mais finalement qu’est-ce cela aurait changé? J’aurais certainement eu d’autres “défauts”. J’avais une crainte par contre: que le fait que ma fille ne finisse pas sa croissance dans mon ventre casse notre lien. Et bien pas du tout! On trouve toutes sortes de bêtises sur internet et celle-ci a été la plus stupide mais surtout celle qui m’a le plus fragilisée! Le lien que nous entretenons est très fort. Je ne dis pas qu’il est plus fort que pour d’autres, mais il n’est en tout cas pas moins fort.

Je terminerais en remerciant les sages-femmes, qui ont été de véritables anges gardiennes pour notre fille. Elles assurent une présence, de la douceur, de l’amour et des soins essentiels pour offrir un séjour le plus agréable possible à ces tous petits bébés.

A noter également qu’il existe l’association SOS Prema, qui m’a fait beaucoup de bien il y a 6 ans. Il existe également une page Facebook où les mamans et papas peuvent échanger librement et poser toutes les questions qu’ils se posent.

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Harmonie

La trentaine, Maman depuis 2011 et épouse chanceuse, je débute mon parcours virtuel fin 2014 sur Instagram, qui fait naître en moi une passion pour la photo. Je prends plaisir à redécouvrir la nature et ses paysages à couper le souffle, à partager mes looks et mes coups de coeur et à transmettre mon goût des belles choses. Un peu frustrée de ne pouvoir m’étaler plus (je suis une grande bavarde), j’ai finalement décidé d’élargir les frontières de mon univers avec le site secondthought.ch.
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