Il y a une chose qu’on vous dit rarement dans les cours prénataux, entre deux démonstrations de change de couches : la sexualité pendant la première année de bébé, c’est un peu comme un volcan en sommeil. Elle peut être imprévisible, parfois explosive, mais souvent… très calme.
Juste après l’accouchement, le corps d’une femme connaît une chute brutale des œstrogènes et de la progestérone. Cette baisse hormonale, conjuguée à la montée de la prolactine (l’hormone de l’allaitement), a un impact direct sur la libido. Une étude parue dans le Journal of Sexual Medicine (2015) montre que 83% des femmes rapportent une baisse de désir sexuel dans les six premiers mois après l’accouchement.
Mais ce n’est pas juste biologique. Entre les nuits morcelées, la fatigue chronique, la surcharge mentale, et le fait de porter un bébé quasi en permanence, le corps peut sembler plus utilitaire qu’érotique. Et cela vaut aussi pour les partenaires : selon une étude australienne menée par l’université de Melbourne (2019), un tiers des pères signalent également une baisse de désir dans les mois qui suivent la naissance.
Avant bébé, l’intimité pouvait signifier des dîners romantiques ou des matins langoureux. Après bébé ? L’intimité, c’est parfois juste prendre une douche sans avoir un bébé qui pleure dans la pièce voisine. Une étude publiée dans le British Journal of Obstetrics and Gynaecology (2014) a révélé que le retour aux rapports sexuels survient en moyenne 6 à 8 semaines après l’accouchement. Mais en réalité, le rythme est très variable : certaines personnes attendent plusieurs mois, voire un an ou plus.
Et ce n’est pas une compétition. L’enjeu, ce n’est pas “quand” on reprend une vie sexuelle, mais “comment” on vit cette période. Le psychologue et sexologue Justin Lehmiller rappelle que la communication est bien plus importante que la fréquence des rapports pour maintenir une satisfaction conjugale après l’arrivée d’un enfant (Lehmiller, 2020).
Le couple doit redéfinir son intimité
Le sexe après bébé reste enveloppé de tabous. Beaucoup de femmes disent se sentir coupables de ne pas “avoir envie”, ou craignent de ne plus être perçues comme séduisantes. D’un autre côté, les partenaires peuvent se sentir rejetés ou frustrés, sans oser en parler de peur d’ajouter une charge émotionnelle au chaos ambiant.
Dans une étude de 2017 publiée dans Sexual & Relationship Therapy, les chercheurs ont observé que les couples qui réussissent à maintenir une complicité sexuelle après la naissance sont ceux qui acceptent les fluctuations, qui adaptent leurs attentes, et surtout, qui parlent ouvertement de leurs désirs et frustrations.
Et si le sexe, ce n’était pas toujours la pénétration dans un lit, entre 22h et minuit ? Beaucoup de sexologues recommandent aux jeunes parents de redéfinir ce qu’ils considèrent comme de la sexualité. Caresses, massages, moments de tendresse, voire simplement un câlin peau à peau peuvent suffire à maintenir une connexion intime.
La thérapeute sexuelle américaine Emily Nagoski, dans son livre Come As You Are (2015), insiste sur l’importance de comprendre le contexte émotionnel du désir. Quand on est stressé, épuisé ou submergé, le “frein” du désir est plus actif que l’“accélérateur”. C’est pourquoi créer des petites bulles de bien-être (sommeil, soutien émotionnel, moments de calme) peut être une manière indirecte de relancer le désir.
La première année avec un bébé est un tsunami affectif, physique et émotionnel. Votre sexualité ne disparaît pas : elle évolue, se transforme, parfois se met en veille. Et c’est OK. Avec un peu de communication, d’empathie et beaucoup de patience, il est possible de retrouver une intimité enrichie par cette expérience de vie intense. La clé ? Se laisser le temps.